Les Premières tablettes étaient sumériennes, on n’a rien inventé !!
Où et quand a-t-on élaboré du vin pour la première fois ? Les Romains appelaient les montagnes du Caucase, « l’extrémité du monde ». C’est vraisemblablement au pied de cette chaîne de montagnes que la vigne fut cultivée et le vin élaboré pour la première fois. Si je me fie aux dernières fouilles archéologiques, en 2010, un complexe de vinification de 700 m2 a été mis à jour. Il daterait de 6100 avant notre ère. Il se situe en Transcaspienne (région qui s’étend de la mer Caspienne à la mer d’Aral) plus précisément au Turkménistan. En plus de l’accumulation de pépins de raisin, indice de l’élaboration du vin par l’homme, la présence de malvidine (un pigment donnant la couleur rouge au vin) sur ce site, apporte une preuve supplémentaire d’installations ayant servi à la vinification.
Allez ! Sortez un grand verre de belle rondeur, versez-y le tiers d’un bon vin rouge de votre choix et asseyez vous ! Ne pas gouter encore, mais plonger son regard à l’intérieur de la robe rouge et profonde…
Nous sommes 6100 an avant notre ère, sur les côtes de la mer Noire, la vigne est omniprésente. Chaque fermier aménage son marani, sa cave à vin. La famille y porte les longs paniers coniques remplis de raisin que l’on vide dans un tronc d’arbre évidé. Lorsque ce dernier est à moitié rempli, il est temps de fouler le raisin. Les kwevris, jarres à vin enfouies dans le sol jusqu’au col, sont remplies de ce raisin foulé. Il y fermentera au frais, lentement, puis plus vite, puis à nouveau plus lentement, en dégageant des bulles. Au printemps suivant, le fermier transvase son vin dans un autre kwevri et laisse dans la première jarre les peaux de raisin, source potentielle de la tchatcha, le marc. Prisonnier de sa jarre scellée, enterré dans le sol frais du marani ombragé, le vin pourra se conserver presque indéfiniment. Quand le temps est venu de le boire, nul besoin d’envoyer des invitations : son parfum capiteux se répand, dès que l’on ouvre le kwevri. Les voisins arrivent avec leur coupe à vin et un long banquet commence, ponctué par des toasts et des chants.
3000 ans se passent… Des scènes de pressurage de raisins et de vendanges apparaissent sur des bas-reliefs égyptiens. Le vin s’occidentalise, passant par la Grèce 2000 ans plus tard, l’Italie et l’Afrique du Nord 1000 ans après. Les vins de Grèce étaient, selon certains auteurs de l’époque, réputés comme des vins très fins. Pourtant, pour les conserver, ils avaient l’habitude de les couper à l’eau de mer et de les additionner d’aromates. Je doute que de tels breuvages soient conformes à nos goûts actuels, mais ils devaient sûrement, se marier admirablement avec les plateaux de fruits de mer !
600 avant notre ère, des Grecs de Phocée entrent en Gaule par la Méditerranée et créent Massalia, plus connu de nos jours sous le nom de Marseille. A partir de la cité Phocéenne, la vigne emprunte le couloir rhodanien vers le nord (Avignon, Vienne, Bourgogne, Moselle) et vers l’Ouest (Narbonne, Toulouse, Gaillac, Bordeaux). Nous voici en 313 et l’empereur chrétien Constantin 1er établit la liberté de culte. La culture de la vigne s’intensifie, le vin remplace la bière. La création de monastères et d’abbayes au VIIe siècle encourage la production de vin de qualité. Partout où l’on entend la messe, pousse la vigne. Pour protéger les récoltes des troubles encore fréquents à cette époque, les religieux abritent le vin dans des souterrains, la cave à vin est née. Presque tous les ordres religieux travaillent la vigne, mais ce sont surtout les bénédictins et les cisterciens, qui contribuent au développement de la viticulture, dessinant ce qui constituera plus tard les A.O.C. Précédée par la famine de 1316-1317, la guerre de Cent Ans stoppe l’essor de la commercialisation du vin. Des bandes de pillards brûlent et détruisent les récoltes. Une accalmie sous le règne de Louis XIV, puis vient l’hiver rigoureux de 1709 qui porte un coup fatal au vignoble. On replante pratiquement tout !
1789, la révolution libère la paysannerie française, et les viticulteurs, d’un certain nombre de contraintes et de servitudes. Dans la plupart des cas, la bourgeoisie remplace le clergé.
1868, un minuscule puceron, le phylloxera, originaire des Etats Unis, est introduit en France dans une pépinière de La Tonnelle près de Tarascon. Il se multiplie, envahit et détruit lʼensemble du vignoble français. Paradoxalement, c’est grâce à des cépages américains, résistants à ce puceron, que le vignoble français est sauvé, en greffant nos vignes sur les portes greffes américains…
A peine reconstruit, le vignoble subit la guerre de 14 -18 qui le prive de main d’œuvre, de produits de traitement. Il faut plusieurs années, après l’armistice, pour redresser la situation.
Le 12 mars 1935, Joseph Capus, dépose sur le bureau du Sénat une proposition de loi appelant à la création d’un « Comité National des Appellations d’origine des vins et des eau-de-vie », qui allait devenir, par décret du 16 juillet 1947, l’Institut National des Appellations d’Origine des Vins et des Eaux-de-vie (INAO)
La guerre 39 – 45 fragilise de nouveau le vignoble. Les millésimes de cette période sont très moyen et un gel tardif de 1945 détruit 90 % des vignes. Les 10% restant produisent un vin exceptionnel.
Le vignoble retrouve santé et prospérité après l’exceptionnelle année 1961. J’ai quant à moi encore le souvenir ému d’un magnum Krug 1961, d’un équilibre parfait avec des notes de brioche au beurre. Ou cet Hermitage «La Chapelle» de Jaboulet d’une puissance phénoménale avec des arômes de cassis réglissé et d’une longueur en bouche incroyable. Il est considéré comme l’un des plus grands vins du siècle, mais j’avoue qu’à l’époque, j’avais été un peu déçu, compte tenu de sa réputation. Il avait la puissance, la charpente mais il lui manquait une certaine élégance qui me semble indispensable aux grandes bouteilles. Je ne l’ai pas goûté récemment et serais heureux d’avoir de ses nouvelles… Sa côte actuelle se situe entre 15000 et 20000 € !!
Dans cet hyper résumé historique, une émotion de dégustation me revient à l’esprit. Il y a quelques années déjà, après une dégustation monumentale dans une cave à Château Chalon, chez un certain Henri Bouvret. Après cette folle journée de plaisirs, de surprises, de doutes et la dégustation de quelques dizaines de flacons du monde entier, nous nous retrouvâmes tous dans un restaurant, quelque peu sonnés par la sélection de vins dégustés pendant la journée. En entrée, un foie gras de canard et un foie gras d’oie accompagnés de deux vins liquoreux. L’un jaune orangé brillant, l’autre brun profond aux reflets orangés. Et puis soudain, un silence général, toute l’assemblée venait de plonger le nez dans les verres. Plutôt que de citer les arômes, ce qui n’est pas vraiment important, c’est cette impression de noblesse, d’élégance et de puissance qui vous envahit, vous laisse sans voix. On a tellement de plaisir au nez, que personne ne s’est précipité pour goûter. Puis, un coup de folie, je bois une gorgée….. Le jaune or orangé était un Château d’Arche 1893, le brun orangé, un Château d’Arche 1906… L’identité des vins nous fût révélée après dégustation. Personne ne fût influencer par l’étiquette. Notre souci du moment fût de décider lequel était en accord avec le foie gras de canard et le foie gras d’oie, on ne décida rien. Un grand moment d’émotion et de partage. J’ai encore le souvenir exact de la bouche et de la longueur incroyable de la persistance aromatique.
Telle est la magie du vin, créer des émotions qui traversent le temps et qui restent intactes.
Condate le 10 mars 8113
Ch. Boisselier
Source historique « Une histoire mondiale du vin de Hugh Johnson »
Et maintenant les cartes des vins sont sur ipad ou autres tablettes tactiles
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